Le Canada complice de l’escalade de Trump vers la guerre contre le Venezuela

La ministre canadienne des Affaires étrangères Anita Anand avec le secrétaire d'État américain Marco Rubio [Photo: U.S. Department of State]

La réponse du gouvernement canadien à l’intensification de la campagne d'agression et de guerre menée par l'administration Trump contre le Venezuela se caractérise par une complicité discrète.

Au cours des trois derniers mois, Washington a agi avec une criminalité effrontée, massacrant sans discernement des dizaines de personnes lors de frappes aériennes contre des embarcations sans défense, saisissant un pétrolier et imposant un blocus de facto sur les exportations pétrolières du Venezuela. Ces actes de violence militaire et de guerre économique constituent des violations flagrantes du droit international et des crimes de guerre.

Depuis des décennies, la classe dirigeante canadienne se présente comme une fervente partisane et défenseuse du droit international. Pourtant, le gouvernement libéral dirigé par l'ancien banquier central Mark Carney a accueilli les actes criminels de Trump et du secrétaire à la Guerre Pete Hegseth avec un haussement d'épaules diplomatique.

Ottawa n'a pas émis la moindre critique à l'égard de l'agression de l'administration Trump contre le Venezuela. Ce n'est pas seulement parce qu'elle est désireuse de parvenir à un accord avec le fasciste et dictateur en puissance Trump, qui préserverait l'accès privilégié du Canada au marché américain et redynamiserait son partenariat militaire et sécuritaire avec les États-Unis.

La classe dirigeante canadienne partage l'objectif de renverser le président vénézuélien Nicolás Maduro et de piller les ressources naturelles du pays. Elle a travaillé en étroite collaboration avec la Maison-Blanche à cette fin sous la première administration Trump et celle du démocrate Joe Biden.

La guerre que les États-Unis s'apprêtent à mener contre le Venezuela vise à placer les plus grandes réserves de pétrole du monde sous contrôle impérialiste direct. Dans le même temps, la campagne contre le Venezuela vise à empêcher des rivaux stratégiques tels que la Russie et la Chine d'accéder aux Amériques.

Le droit international, dont Ottawa se prétend le champion, est considéré comme sans importance lorsque les États-Unis poursuivent des objectifs soutenus par la classe dirigeante canadienne, tels que ceux-ci.

Depuis début septembre, l'administration Trump a fortement intensifié sa campagne criminelle contre le Venezuela. Les forces américaines ont mené des dizaines de frappes aériennes meurtrières contre de petits bateaux dans les Caraïbes sous prétexte de lutter contre le trafic de drogue, et ont saisi un pétrolier lié au Venezuela. Plus récemment, Trump a annoncé un blocus des exportations de pétrole vénézuélien, une mesure qui constitue un acte de guerre au regard du droit international.

Prétendre que ces opérations visent à lutter contre le trafic de drogue est une supercherie évidente. Le Venezuela n'est pas une source majeure de stupéfiants illicites entrant aux États-Unis. De plus, aucun pays n'a le droit de tuer des civils en haute mer ou ailleurs à sa guise. L'invocation de la « lutte contre le trafic de drogue » sert de prétexte fallacieux à des actions militaires dont le véritable objectif est le changement de régime et la réaffirmation de la domination des États-Unis sur le Venezuela.

Ces mesures s'inscrivent dans le cadre d'une campagne plus large visant à rétablir la domination impérialiste américaine illimitée sur l'Amérique latine. Cette ambition est clairement affirmée dans la stratégie de sécurité nationale de l'administration Trump, publiée au début du mois. Elle évoque un corollaire de Trump à la doctrine Monroe, en vertu duquel Washington revendique le droit d'intervenir militairement dans tout l'hémisphère occidental pour faire valoir ses intérêts stratégiques et économiques et empêcher ses rivaux géostratégiques d'y établir une présence.

En annonçant le blocus pétrolier, Trump a même renoncé à tout euphémisme diplomatique, déclarant que le Venezuela devait « rendre aux États-Unis d'Amérique tout le pétrole, les terres et les autres actifs qu'il nous a précédemment volés ». Cette déclaration équivaut à une menace ouverte de pillage impérialiste.

À aucun moment le gouvernement canadien n'a remis en question ou critiqué, et encore moins condamné publiquement, les actions militaires illégales et les menaces de guerre de Washington. Il n'a pas demandé d'éclaircissements, ni suspendu ou même menacé de suspendre sa coopération avec les États-Unis dans les opérations de lutte contre le trafic de drogue dans les Caraïbes. Et il a soigneusement évité de se prononcer sur le fait de savoir s'il approuve l'assassinat de personnes en mer sans procédure régulière ou s’il s’y oppose.

La dernière déclaration publique d'Ottawa à ce sujet remonte à novembre, à l'issue d'une réunion des ministres des Affaires étrangères du G7 en Ontario. Interrogée sur la question de savoir si les frappes américaines contre des bateaux dans les Caraïbes violaient le droit international, la ministre canadienne des Affaires étrangères, Anita Anand, a répondu que si le Canada se préoccupait de son propre respect du droit international, la légalité des actions américaines relevait de la compétence des autorités américaines.

« En tant que ministre des Affaires étrangères du Canada, je suis responsable du respect du droit international par le Canada – nous cherchons toujours à nous conformer au droit international », a déclaré Anand. « En ce qui concerne la question que vous avez posée, je dirais qu'il appartient aux autorités américaines de se prononcer à ce sujet. »

En termes clairs, la position d'Ottawa est que le droit international ne s'applique pas à Washington. Le gouvernement Carney ne contestera pas les actions des États-Unis, quel que soit leur criminalité manifeste ou leur coût humain, tant qu'elles servent les objectifs stratégiques américains et canadiens. Les propos d'Anand fournissent une couverture politique aux exécutions extrajudiciaires en mer et confirment que le Canada continuera à collaborer avec les États-Unis alors que ceux-ci commettent des actes qui répondent à la définition des crimes de guerre.

La posture du Canada révèle la véritable nature de ses prétentions à défendre un « ordre international fondé sur des règles ». Ottawa invoque le droit international de manière sélective. Lorsqu'il s'agit des ennemis de l'impérialisme américain et canadien, il crie sur tous les toits, exigeant que les auteurs de crimes de guerre réels ou inventés soient « tenus responsables ». Mais lorsque Washington procède à des assassinats, à des blocus et à des invasions illégales, le droit international n'a aucune importance. Loin d'être un cadre neutre, le Canada invoque le droit international comme un instrument de coercition impérialiste.

Les intérêts et les ambitions impérialistes du Canada en Amérique latine

La volonté du gouvernement canadien de défendre la criminalité de Trump trouve son origine dans la collaboration économique et militaire de longue date entre le Canada et les États-Unis dans les Caraïbes. Depuis qu'il est devenu une puissance impérialiste à part entière au début du XXe siècle, le Canada considère l'Amérique latine comme une zone d'intérêt clé, même s'il a toujours joué les seconds rôles derrière son allié impérialiste américain beaucoup plus puissant au sud.

Les investissements directs étrangers du Canada dans la région sont aujourd'hui estimés à environ 100 milliards de dollars canadiens, concentrés dans les secteurs minier, énergétique et des services financiers. Depuis son adhésion à l'Organisation des États américains en 1990, sa présence militaire et sécuritaire dans la région s'est également considérablement renforcée.

En 2004, le Canada et les États-Unis ont envahi Haïti en collaboration avec une rébellion fasciste menée par d'anciens officiers de l'armée haïtienne et des Tontons Macoutes afin de renverser le président élu du pays, Jean-Bertrand Aristide.

Depuis 2006, le Canada participe à l'opération Caribbe, une mission de surveillance navale et aérienne dirigée par les États-Unis, présentée comme une lutte contre le trafic de drogue, mais utilisée depuis longtemps pour affirmer le contrôle impérialiste sur la région de la mer des Caraïbes. Dans le cadre de cette opération, des navires de guerre, des avions de patrouille et du personnel canadiens mènent des missions de « recherche et de suivi » et transmettent des renseignements aux forces de la garde côtière américaine qui procèdent à des interceptions.

En octobre, alors que les frappes aériennes américaines au large des côtes vénézuéliennes battaient leur plein, un porte-parole du ministère de la Défense nationale a affirmé que les opérations d'interception menées par le Canada dans le cadre de l'opération Caribbe étaient « distinctes et séparées » des frappes aériennes américaines contre de prétendus trafiquants.

Depuis lors, le gouvernement n'a rien dit sur la question de savoir si les renseignements, les données de surveillance ou d'autres moyens militaires canadiens ont contribué à ces frappes meurtrières. Il n'a pas suspendu ni même interrompu sa participation à l'opération Caribbe. Dans le contexte d'une campagne illégale de violence meurtrière, la fourniture continue de renseignements et de soutien opérationnel aux États-Unis constitue une facilitation d'actes criminels.

L'alignement du gouvernement libéral de Carney sur l'offensive de Trump s'inscrit dans la continuité d'une longue série d'agressions visant à subordonner ce pays riche en pétrole aux intérêts économiques et géostratégiques impérialistes nord-américains.

Le Canada a joué un rôle central au sein du Groupe de Lima, une formation régionale alignée sur les États-Unis créée en 2017 pour isoler diplomatiquement le Venezuela et légitimer un changement de régime. Ottawa a agi en tant qu'organisateur et exécutant, faisant pression sur les gouvernements latino-américains pour qu'ils rejettent les élections vénézuéliennes, imposent des sanctions et coordonnent les pressions politiques et économiques contre le gouvernement Maduro.

Ce rôle a pris sa forme la plus flagrante en 2019, lorsque le Canada s'est empressé de reconnaître Juan Guaidó comme « président par intérim » du Venezuela à la suite d'une tentative de coup d'État orchestrée par les États-Unis. Les diplomates canadiens ont œuvré en coulisses pour unifier l'opposition de droite et obtenir la reconnaissance internationale d'une prise de pouvoir anticonstitutionnelle, conférant une légitimité pseudo-juridique à une opération qui menaçait de déclencher une guerre civile et était considérée comme un prétexte potentiel à une intervention militaire américaine.

Bien que le coup d'État ait échoué, le Canada ne l'a jamais désavoué. Les gouvernements libéraux de Justin Trudeau et maintenant de Mark Carney ont continué à considérer le changement de régime au Venezuela comme légitime, intensifiant les sanctions et la pression diplomatique en étroite coordination avec Washington.

Affaires mondiales Canada a félicité publiquement María Corina Machado, chef de l'opposition soutenue par les États-Unis, pour avoir reçu le prix Nobel de la paix, louant son « courage et sa résilience » et déclarant son soutien à sa vision de l'avenir du Venezuela. Machado est une politicienne d'extrême droite qui a ouvertement plaidé en faveur d'une invasion américaine pour imposer un changement de régime. Le soutien d'Ottawa, exprimé alors que Washington intensifie ses opérations militaires et renforce son blocus, souligne la participation active du Canada à la campagne visant à orchestrer le renversement violent du régime Maduro sous le couvert d'une rhétorique démocratique.

Les banques, les sociétés minières et les entreprises énergétiques canadiennes sont susceptibles de tirer profit de l'ouverture des ressources du Venezuela.

Dans le même temps, le silence d'Ottawa sur l'agression de l'administration Trump contre le Venezuela reflète des calculs politiques nationaux.

Une grande partie de la population canadienne est révoltée par le spectacle des forces américaines commettant des meurtres en haute mer et imposant des blocus en violation flagrante du droit international. Carney a été élu en se présentant comme un opposant farouche à la menace de Trump d'annexer le Canada en tant que 51e État.

De plus, aux yeux d'une grande partie de la population, les prétentions du Canada à défendre le droit international et les droits humains ont déjà été sérieusement discréditées par le soutien sans réserve d'Ottawa à Israël dans son offensive génocidaire contre les Palestiniens de Gaza.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD), soutenu par les syndicats, a repris la position du gouvernement Carney. Il n'a exprimé aucune opposition substantielle aux frappes aériennes ou au blocus économique. Ce silence s'inscrit dans la lignée de l'intégration de longue date du NPD dans le consensus de politique étrangère de l'impérialisme canadien, notamment son soutien à la guerre contre la Russie déclenchée par les États-Unis et l'OTAN en Ukraine et à l'intégration du Canada dans l'offensive militaire et stratégique de Washington contre la Chine.

La même logique de classe qui guide la politique du Canada envers le Venezuela a entraîné un nouveau virage brusque à droite dans la politique de la classe dirigeante depuis que Carney a pris les rênes du gouvernement à la place de Justin Trudeau en mars dernier. Cela inclut une nouvelle campagne d'austérité massive, une intensification de l'attaque de l'État contre le droit de grève, la restriction des droits des réfugiés et le renforcement des frontières en collaboration avec la guerre menée par l'administration Trump contre les immigrants.

Au cœur du programme du gouvernement libéral se trouvent une vaste campagne de réarmement et le renforcement de la base militaro-industrielle du Canada afin de préparer l'impérialisme canadien à une guerre mondiale.

Ce sont les travailleurs qui devront payer la note, par le démantèlement des services publics, la réduction des aides sociales et la destruction des droits démocratiques.

Les travailleurs doivent s'opposer à l'agression de l'impérialisme américain et canadien contre le Venezuela. Une telle opposition n'implique pas un soutien politique au gouvernement Maduro. L'État vénézuélien représente une faction nationaliste bourgeoise qui a répondu à l'effondrement économique et à la pression impérialiste par la répression des travailleurs, la restriction des droits démocratiques et des offres à Trump pour donner aux États-Unis un accès privilégié aux richesses pétrolières du pays.

La lutte contre la guerre impérialiste exige l'unification de la classe ouvrière dans les centres impérialistes d'Amérique du Nord avec les travailleurs des pays visés par l'offensive impérialiste, comme le Venezuela, la Chine et la Russie.

La défense des masses vénézuéliennes et des travailleurs internationaux nécessite la mobilisation politique de la classe ouvrière internationale. Cela signifie qu'il faut construire des organisations de la base, rompre avec la bureaucratie syndicale et tous les représentants politiques du grand capital, et développer un mouvement de masse pour le pouvoir ouvrier et le socialisme.

Les travailleurs canadiens doivent s'opposer au blocus, aux frappes aériennes sur les bateaux et à la menace d'une guerre directe contre le Venezuela ; exiger le retrait du Canada de toutes les opérations militaires qui facilitent la violence américaine ; rejeter les saisies d'actifs et les sanctions impérialistes ; et lier la lutte contre la guerre à l'étranger à la défense des emplois, des services sociaux et des droits démocratiques au pays.

Loading